Rêvons un nouveau monde

Iceberg qui fond, forêts qui brûlent, cyclones qui se succèdent, le réchauffement climatique s’observe chaque jour. Ses conséquences, telles qu’envisagées par les scientifiques, « font suffoquer » : augmentation de la chaleur, donc de l’intensité et de la durée des canicules, raréfaction de la nourriture et de l’eau saine, maladies, air irrespirable….arrêtons là la liste, digne d’un film d’horreurs.

Que pouvons-nous faire ? Cyril Dion, dans « Petit manuel de résistance contemporaine : Récits et stratégies pour transformer le monde » constate que, certes, il reste important de raccourcir le temps de la douche, de prendre son vélo plutôt que sa voiture, mais que nos gestes individuels sont nettement….insuffisants !

Dans un ouvrage au propos à la fois tristement réaliste et incroyablement encourageant, le co-fondateur du mouvement Colibris et réalisateur du formidable documentaire Demain propose de « changer d’histoire pour changer l’Histoire ». Et c’est drôlement enthousiasmant. 

Est-ce que le yoga, la méditation, peuvent contribuer à « changer l’Histoire » ?

  • Le pouvoir des histoires

Sur quelles fondations notre société se base-t-elle pour créer sa réalité ? Pour Cyril Dion, elle se base sur des récits.

« Le récit est comme l’eau où nagent les poissons, l’air que nous respirons, nous ne le voyons plus, mais il est omniprésent, il baigne nos cellules, influence notre vision du monde et, par là même, nos choix. Nous sommes incapables de penser en dehors de notre récit puisque nous le confondons avec la réalité. »

Ces récits fondateurs de nos vies occidentales nourrissent nos imaginaires beaucoup plus intensément que nous pourrions le penser. Cyril Dion décrit des « architectures », qui sont comme des piliers de notre société.

La première concerne la nécessité de gagner de l’argent pour « faire marcher le commerce » et « faire tourner l’industrie », et de citer l’économiste Jeremy Rifkin : « L’un des grands objectifs du mouvement qui a créé l’école publique en Europe et aux États-Unis était de stimuler le potentiel productif de chaque être humain et de créer une main-d’œuvre efficace pour promouvoir la révolution industrielle. »

Cyril Dion résume : « Si j’ai de bonnes notes, je peux espérer décrocher un diplôme, trouver un emploi, qui m’assurera un salaire et me permettra de payer loyer, nourriture, chauffage, électricité…Ce revenu, en plus d’assurer ma sécurité, fera de moi un consommateur et me donnera accès à une myriade d’objets, de vêtements, de biens ou de services qui traduiront mon statut social ».

Notre société nous apprend à être dépendants à l’argent et à la consommation.

La deuxième « architecture » est le besoin que nous avons de nous évader de notre vie de labeur en nous divertissant. Souvent devant un écran. Ce qui est projeté sur l’écran peut facilement « orienter nos choix », nous rendant particulièrement influençables (voire manipulables ?).

La troisième « architecture » repose sur notre système de gouvernance et nos lois. Vivons-nous dans une véritable démocratie, dans laquelle chacune et chacun d’entre eux peut s’exprimer ? Il n’est plus nécessaire de se demander « si les responsables politiques s’attach(ent) à mettre en œuvre les aspirations des personnes qu’ils représentent. » mais plutôt de s’interroger : « Vivons-nous vraiment en démocratie ? ». Ne s’agit-il pas (trop) souvent d’être élu pour défendre des intérêts économiques, déjà puissants ?

Ces « architectures » sur lesquelles repose notre société contribuent largement au sentiment d’impuissance, voire de découragement que nous sommes nombreux à ressentir.

  • Créer de nouvelles histoires

Se basant sur la réflexion de Stéphane Hessel « Créer, c’est résister, et résister, c’est créer », Cyril Dion propose de créer de nouvelles « architectures », donc de nouvelles références et de nouveaux rêves pour notre société.

« Nous avons besoin de rêver, d’imaginer quelles maisons nous pourrions habiter, dans quelles villes nous pourrions évoluer, quels moyens nous utiliserions pour nous déplacer, comment nous produirions notre nourriture, de quelle façon nous pourrions vivre ensemble, décider ensemble, partager notre planète avec tous les êtres vivants. Petit à petit, ces récits d’un genre nouveau pourraient mâtiner nos représentations, contaminer positivement les esprits, et, s’ils sont largement partagés, se traduire structurellement dans des entreprises, des lois, des paysages… »

Ces nouveaux récits permettront de nous faire rêver à la vie sur une planète dont le réchauffement ne sera plus qu’un souvenir, sur laquelle les hommes vivront en communautés soudées avec une vie locale riche et indépendante des multinationales, où l’agriculture ne sera que biologique, la biodiversité sera complètement régénérée, où les hommes prendront un plaisir immense à vivre la sobriété heureuse (Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse), où l’économie symbiotique contribuera intelligemment à régénérer les écosystèmes (Isabelle Delannoy, L’économie symbiotique : Régénérer la planète, l’économie et la société), où l’on réparera et l’on partagera les objets du quotidien…

Quand j’imagine le futur, je pense immanquablement à un passage du film « La Belle Verte » de Coline Serreau : « Après l’ère industrielle, il y a eu les grands procès et les boycotts. Tous les gens qui fabriquaient des produits nocifs contre la santé des humains, des animaux et des plantes ont été jugés coupables de génocides et de crimes contre la planète. Qui ? L’industrie agroalimentaire et chimique, les fabricants d’armes, de tabac et d’alcool, l’industrie pharmaceutique et nucléaire, les constructeurs d’automobiles, les architectes, beaucoup de médecins et les politiciens qui s’étaient enrichis en laissant faire. Le boycott ? Tout ce qui était mauvais pour la vie, on ne l’achetait plus ou on le jetait. C’était l’arme absolue. Plus d’achats, plus de pouvoir. L’armée et la police ne pouvaient rien contre le boycott. C’était le chaos pré-renaissance »

Les récits ont le pouvoir de nous faire rêver. Et ce sont les rêves d’aujourd’hui qui font la réalité de demain

Yogi dream

  • Rêver l’avenir

Rêvons. En plus d’une médecine basée sur la prévention, les pratiques énergétiques telles que le yoga, le tai-chi-chuan ou le qi-qong permettront à chacun de se maintenir en santé. La méditation, la pleine conscience, la communication bienveillante seront enseignées dès l’enfance, pour une bonne santé émotionnelle, mentale et relationnelle.

Imaginons « Que l’essentiel des activités humaines (soit dédié à) comprendre ce que nous fabriquons sur cette planète, à exprimer nos talents, à faire grandir nos capacités physiques et mentales, à coopérer pour résoudre les immenses problèmes que notre espèce à créés, à devenir meilleurs, individuellement et collectivement. Que nous passions la majeure partie de notre temps à faire ce que nous aimons, à être utiles aux autres, à marcher dans la nature, à vivre des relations passionnantes, à créer…. »

Visualisons. Une vie passée à faire ce qui a du sens pour nous, ce que nous aimons, ce qui nous épanouit, ce qui nous met en joie.

« Imaginez, si l’ensemble de l’énergie productive et créative des personnes qui travaillent chaque jour sur la planète n’était pas concentrée à faire tourner la machine économique, mais à pratiquer des activités qui leur donnent une irrépressible envie de sauter du lit chaque matin, et que cette énergie soit mise au service de projets à forte utilité écologique et sociale….Il y a fort à parier que le monde changerait rapidement ».

Pour ce faire, Cyril Dion propose d’autres « architectures », d’autres pouvoirs décisionnels, d’autres manières d’envisager l’économie, des solutions pour régénérer la planète, rejoignant les propositions du projet Drawdown (« Drawdown, le point de bascule », à lire ici).

Il constate que, pour mobiliser les populations, faire peur est contre-productif. L’information anxiogène a tendance à nous rendre impuissant. La force des exemples positifs est ce qui a inspiré le film Demain : des solutions qui fonctionnent, qui peuvent être mises en pratique facilement, et qui donnent envie.

L’auteur évoque alors, entre autres stratégies, la méthode du Kaizen. Cette « théorie des petits pas » se base sur l’idée de ne pas regarder le sommet de la montagne, inaccessible et décourageant, mais de se concentrer sur le prochain pas à effectuer en direction du sommet. Au niveau psychologique, cette méthode est connue pour surmonter les blocages de l’inconscient…et donc d’aller là où nos peurs nous empêcheraient d’aller. Un pas après l’autre, doucement mais sûrement. C’est la thématique du magazine Kaizen, « construire un autre monde à petits pas ».

  • Invitation au silence

Calmer ses pensées, arrêter quelques instants la « machine automatique à penser » pour faciliter l’émergence d’une nouvelle histoire. Calmer ses pensées, être à l’écoute de notre nature intérieure. Calmer ses pensées, prendre conscience que « nous ne sommes pas extérieurs à la nature, nous sommes la nature« .

En faisant de la place pour ce silence en nous, nous développons « notre capacité à étendre nos sentiments d’empathie, de compassion aux personnes que nous ne connaissons pas, qui vivent à l’autre bout de la planète, aux animaux et plus globalement à la biosphère« . Cette connexion est une étape importante pour nous donner envie de « faire notre part ».

« L’hygiène de la conscience m’apparaît plus que jamais cruciale pour affronter les décennies à venir et trouver la ressource de penser « en dehors de la boîte » – Cyril Dion.

La pratique du yoga, de la marche, de la méditation, ou encore la création artistique contribuent à la création d’un monde nouveau, en favorisant notre bien-être et notre épanouissement, en faisant de la place pour le silence et la paix et en nous connectant à notre nature intérieure, mais aussi en nous invitant à choisir nos pensées.

Puisque nos pensées créent notre réalité, nous pouvons chaque jour créer notre nouvelle réalité. Créer un monde dans lequel les hommes se respectent et respectent leur environnement, dans lequel les forêts et les mers se régénèrent, dans lequel l’agriculture est biologique, où chaque homme mange à sa faim, où chacun fait vivre sa passion, où le réchauffement climatique est un lointain souvenir, où la permaculture abonde, où chacun sait trouver des moments de silence et de paix pour être mieux avec lui et avec les autres…Imaginons ce monde dans lequel l’écologie intérieure est aussi importante que l’écologie « extérieure », mettons notre attention sur cette réalité, partageons cette nouvelle réalité, ces nouveaux récits.

N’attendons pas demain.

Faisons du yoga. Méditons. Transmettons. Partageons. Inventons. Visualisons. Imaginons. Agissons. Créons.

Commençons. Continuons. Dès maintenant.

 

 

Les citations sont tirées de l’excellent « Petit Manuel de résistance contemporaine » de Cyril Dion, aux éditions Actes Sud, Domaine du Possible. 

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IN-DIS-PEN-SABLE lecture :

Que faire face à l’effondrement écologique qui se produit sous nos yeux ? Dans ce petit livre incisif et pratique, l’auteur de Demain s’interroge sur la nature et sur l’ampleur de la réponse à apporter à cette question. Ne sommes-nous pas face à un bouleversement aussi considérable qu’une guerre mondiale ? Dès lors, n’est-il pas nécessaire d’entrer en résistance contre la logique à l’origine de cette destruction massive et frénétique de nos écosystèmes, comme d’autres sont entrés en résistance contre la barbarie nazie ? Mais résister contre qui ? Cette logique n’est-elle pas autant en nous qu’à l’extérieur de nous ? Résister devient alors un acte de transformation intérieure autant que d’engagement sociétal… Avec cet ouvrage, Cyril Dion propose de nombreuses pistes d’actions : individuelles, collectives, politiques, mais, plus encore, nous invite a considérer la place des récits comme moteur principal de l’évolution des sociétés. Il nous enjoint de considérer chacune de nos initiatives comme le ferment d’une nouvelle histoire et de renouer avec notre élan vital. A mener une existence où chaque chose que nous faisons, depuis notre métier jusqu’aux tâches les plus quotidiennes, participe à construire le monde dons lequel nous voulons vivre. Un monde où notre épanouissement personnel ne se fait pas aux dépens des autres et de la nature, mais contribue à leur équilibre.

Nous savons qu’il nous reste peu de temps pour agir. Un nombre toujours plus important de scientifiques nous mettent en garde : dans quelques années, il sera trop tard. Le changement climatique menace de défaire le tissu social, de saper les fondations mêmes de la démocratie et de précipiter la disparition de nombreuses espèces. Dont l’être humain. Fort de cette urgence, Drawdown propose une feuille de route à l’usage des gouvernements, des territoires, des villes, des entreprises et de chacun d’entre nous. Plutôt que de baisser les bras, ce livre veut nous aider à surmonter la peur, la confusion et l’apathie, pour passer à l’acte. Drawdown désigne le point de bascule à partir duquel la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, après avoir atteint un pic, se met à diminuer d’une année sur l’autre. L’objectif de ce livre est de nous aider à engager cette bascule. Pour y parvenir, Paul Hawken et soixante-dix chercheurs ont élaboré un plan inédit : quatre-vingts solutions pour inverser le cours du changement climatique. En décrivant leurs impacts positifs sur le monde financier, les relations sociales et l’environnement, ils nous enjoignent à organiser notre action : commencer par ce qui aura le plus d’impact et construire une stratégie globale. Nous disposons de tous les outils nécessaires, à nous de nous mettre au travail.

Et si montrer des solutions, raconter une histoire qui fait du bien était la meilleure façon de résoudre les crises écologiques, économiques et sociales que traversent nos pays ? En 2012, Cyril Dion prend connaissance d’une étude, menée par vingt-deux scientifiques de différents pays, annonçant la disparition possible d’une partie de l’humanité d’ici à 2100. Cette nouvelle fait à peine l’objet d’un traitement de seconde zone dans les médias. Considérant qu’amplifier le concert des catastrophes ne fonctionne pas, il décide de partir, avec l’actrice-réalisatrice Mélanie Laurent et une petite équipe, découvrir à quoi notre monde pourrait ressembler si nous mettions bout à bout certaines des meilleures solutions que nous connaissons déjà dans l’agriculture, l’énergie, l’économie, l’éducation et la démocratie. Villes produisant elles-mêmes leur nourriture et leur énergie, systèmes zéro déchet, entrepreneurs et municipalité créant leur propre monnaie pour empêcher la spéculation et l’accaparement des richesses, peuples réécrivant eux-mêmes leur Constitution, systèmes éducatifs pionniers, ils découvrent partout des femmes et des hommes qui changent le monde. En reliant ces initiatives, ils mettent au jour une nouvelle philosophie, une communauté de pensée entre tous ces acteurs qui ne se connaissent pas. Un nouveau projet de société…


Pierre Rabhi a vingt ans à la fin des années 1950, lorsqu’il décide de se soustraire, par un retour à la terre, à la civilisation hors sol qu’ont commencé à dessiner sous ses yeux ce que l’on nommera plus tard les Trente Glorieuses. En France, il contemple un triste spectacle : aux champs comme à l’usine, l’homme est invité à accepter une forme d’anéantissement personnel à seule fin que tourne la machine économique. L’économie ? Au lieu de gérer et répartir les ressources communes à l’humanité en déployant une vision à long terme, elle s’est contentée, dans sa recherche de croissance illimitée, d’élever la prédation au rang de science. Le lien viscéral avec la nature est rompu ; cette dernière n’est plus qu’un gisement de ressources à exploiter – et à épuiser. Au fil des expériences, une évidence s’impose : seul le choix de la modération de nos besoins et désirs, le choix d’une sobriété libératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec cet ordre anthropophage appelé « mondialisation ». Ainsi pourrons-nous remettre l’humain et la nature au coeur de nos préoccupations, et redonner enfin au monde légèreté et saveur.

Ce livre porte une extraordinaire ambition. Celle de proposer une théorie économique radicalement nouvelle : l’économie symbiotique, capable de faire vivre en harmonie les êtres humains et les écosystèmes. Pour la première fois, Isabelle Delannoy propose une synthèse entre de nombreuses techniques et recherches mises en lumière ces dernières années : permaculture, économie circulaire, économie de la fonctionnalité, du partage – pair à pair -, économie sociale et solidaire, monnaies complémentaires… En associant les bénéfices de chacune d’entre elles et en en trouvant le principe commun, elle parvient à des résultats époustouflants. Dans de nombreux domaines nous pourrions réduire de plus de 90% notre utilisation de matière tout en redéveloppant les capacités productives des territoires. Nous pourrions remplacer l’utilisation du métal et des minerais par celle de plantes et éviter ainsi d’envoyer des êtres humains au fond des mines. Nous pourrions créer des cités autonomes en eau, en énergie, en nourriture fraîche, mêlant immeubles-forêts et jardins filtrants, cités numériques et jardins d’hiver, autoroutes à vélo et véhicules autoconstruits, agriculture, fablabs et manufactures locales. L’économie symbiotique s’appuie sur la symbiose entre l’intelligence humaine, la puissance des écosystèmes naturels et la technosphère (les outils). En trouvant le juste équilibre entre les trois, il est possible de produire sans épuiser les ressources, mais en les régénérant.