Un autre regard sur la violence

Voici un extrait de livre, une réflexion sur la violence, à lire avec le regard et le cœur d’un yogi, qui apporte une vision très différence de notre vision habituelle de la violence, en particulier quand elle est extrême.

Un long extrait du livre de Jeff Foster « L’acceptation profonde : Dire oui à la vie… et se transformer». Ces mots peuvent être assez… perturbants.

 

« Pour certaines personnes, la seule manière connue pour obtenir de l’amour est de faire du mal aux autres. Pour ceux qui se sentent complètement impuissants, désespérés, maltraités par la vie, aspirant à avoir à nouveau du pouvoir et un sentiment de contrôle, faire du mal et même tuer semblent fournir une libération passagère. Oui, le chercheur peut devenir désespéré dans se quête pour la complétude. Nous prendrons la complétude sous toutes les formes possibles. Nous nous battrons pour cela. Nous mourrons pour cela. Nous nous ferons exploser, si c’est nécessaire, pour atteindre le paradis, pour rentrer à la maison, pour soulager le fardeau de la séparation. Pour certaines personnes, le seul chemin qu’elles peuvent trouver qui les ramènera à la maison est un chemin truffé d’ennemis. Vous devenez mon ennemi mortel quand je vous perçois comme bloquant mon chemin du retour à la maison.

C’est la raison pour laquelle des êtres humains entrent en guerre les uns avec les autres, pas uniquement pour défendre des terres, de la nourriture ou des richesses matérielles, mais aussi pour des différences de points de vue philosophiques, idéologiques, et des croyances religieuses. Et c’est ainsi que des différences d’opinion entre des gens – que cela soit entre deux personnes dans une relation ou entre citoyens de deux pays – se transforment en guerres saintes. Lorsque vous n’êtes pas d’accord avec moi, lorsque vous rejetez mon point de vue, je me sens menacé d’une certaine manière. Etrange, n’est ce pas ? Vous ne me menacez pas physiquement, mais je ressens tout de même que je subis une forme d’attaque. Pourquoi ? Qu’est ce qui est vraiment attaqué ici ?

Lorsque je m’accroche à une idée, un système de croyance, ou une idéologie, et que j’ai fait de ce système de croyance mon chemin vers la complétude – mon seul chemin vers la complétude – et que vous suggérez, par vos mots ou vos actions, que mon système de croyance est erroné, vous menacez ma complétude. Vous bloquez mon retour vers la maison. Vous menacez ma vie – et aussi l’histoire de ma vie. Nous ne nous disputons pas au sujet d’idéologies ; nous nous disputons au sujet de chemins vers la complétude. La vague essaye de retourner à l’océan, et si quoi ce que ce soit bloque cela, la vague est confrontée avec la possibilité la plus terrible qui soit : le fait qu’elle ne pourra jamais retourner à la maison. Et ainsi, il sera fait usage de moyens extrêmes pour balayer cette menace. Certaines personnes se font exploser – et essayent de vous faire exploser – juste pour valider leur propre voyage vers la maison. En profondeur, même les kamikazes adeptes des attentats suicides essayent de revenir à la maison, comme tout le monde. Comment, sans pour autant admettre leurs actions en aucune manière, pouvons nous commencer à avoir un grain de compassion pour des gens comme les kamikazes ? Découvrir le chercheur nostalgique derrière le kamikaze est l’endroit où nous pouvons peut-être commencer. Il ne s’agit en rien de fermer les yeux sur la violence – pas du tout -, mais de comprendre l’endroit d’où la forte envie de violence peut trouver son origine, en eux et en nous. Peut-être que lorsque nous comprendrons véritablement ce qui se joue, nous serons dans une bien meilleure position pour gérer la réalité de la violence dans le monde – sans y ajouter, mais en aidant à l’éradiquer à sa source même. Lorsque nous traversons finalement l’illusion du bien et du mal et l’illusion sous-jacente selon laquelle nous sommes des individus séparés, peut-être avons-nous une chance.

Réaliser que fondamentalement chaque être humain essaye de rentrer à la maison nous donne une toute nouvelle manière de comprendre le fonctionnement des gens que nous appelons violents, fous, malades, ou malfaisants. Vu dans cette lumière, personne n’est pas nature malfaisant, personne n’est fondamentalement différent de nous. Tout simplement certaines personnes recherchent la complétude d’une manière désespérée, et les actions destructrices qui résultent de cette quête désespérée constituent ce que nous appelons « le mal ».

Ceux que nous qualifions de « malfaisants » recherchent pour l’essentiel ce que nous recherchons nous-mêmes, mais en raison de leurs conditionnements uniques, de ce qu’ils ont appris et expérimenté en grandissant, de la manière dont ils ont été traités dans l’enfance, des cartes qu’ils ont reçues dans la vie, la seule manière qu’ils ont de pouvoir trouver la complétude maintenant se fait à travers la violence. En ne se sentant pas complets dans leur expérience du présent, en n’exprimant pas l’amour inhérent à l’expérience présente, ils deviennent des chercheurs désespérés de l’amour, et dans cette quête de l’amour, ils entrent en guerre avec le monde. Dans leur quête pour la complétude, ils en arrivent à détruire tout ce qu’ils perçoivent comme incomplet « la-dehors », dans le monde. Tout ce que nous voyons de malfaisant en nous, toutes ces vagues d’expériences qui ne sont pas profondément autorisés à monter et descendre, toutes ces vagues qui sont une menace pour notre image, nous allons les projeter sur nos soi-disant ennemis là dehors dans le monde. En essayant de faire du mal ou d’éliminer nos ennemis, nous essayons secrètement d’éliminer le mal en nous-mêmes. En essayant de détruire l’impureté chez les autres, nous recherchons vraiment notre propre pureté. En essayant de détruire ce qui est sombre chez les autres, nous recherchons secrètement la lumière. Je veux détruire l’incomplétude en vous parce que je veux secrètement la détruire en moi et devenir complet. Nos ennemis deviennent nos boucs émissaires. Le chercheur a toujours un bouc émissaire – un mot qui a une origine intéressante. Dans les tribus anciennes, lorsque les villageois voulaient se débarrasser d’un péché, ils sacrifiaient un bouc aux dieux. Ils croyaient que le bouc allait magiquement absorber leurs péchés et que, lorsque le bouc serait tué, leurs péchés allaient mourir avec lui, les laissant à nouveau propres. Avoir un bouc émissaire est une manière de nous rendre psychologiquement propres – en d’autres mots, essayer de nous libérer des vagues « sales » et mal aimés. Dans notre quête, nous créons des boucs émissaires en permanence. Nous cherchons en permanence à l’extérieur de nous une libération, et dans des cas extrêmes, nous pouvons même essayer de détruire d’autres personnes afin de détruire des parties de nous-mêmes avec lesquelles nous ne voulons pas vivre.

Ce que je ne permets pas en moi, je ne vais pas le permettre chez vous. Les vagues dont je veux me débarrasser en moi, j’essaye de m’en débarrasser en vous. Adolf Hitler – souvent décrit comme l’un des individus les plus malfaisants de tous les temps – nous donne un exemple classique de ce mécanisme de boucs émissaires. Il a persécuté les homosexuels, et pourtant il y a des preuves convaincantes pour suggérer qu’il était profondément en guerre avec de fortes envies homosexuelles en lui. Il accusait ses ennemis, les juifs, d’être sexuellement sales, et là aussi il y a des preuves pour suggérer qu’il jouissait de formes d’activité sexuelles fétichistes très « sales ». Il prétendait que le sang juif était empoisonné et contagieux, et pourtant les preuves montrent que dans sa jeunesse il était terrifié à l’idée que son propre sans soit empoisonné. Est-ce que Hitler croyait honnêtement qu’en détruisant ses ennemis il obtiendrait ce à quoi il aspirait véritablement ? Ce mécanisme de projection est incroyable : il est simple et pourtant il cause de telles destructions lorsqu’il est permis de s’étendre à grande échelle. Nous avons l’intégralité de l’histoire humaine pour nous montrer comment ce mécanisme de bouc émissaire ne conduit pas à la paix dans aucun sens du mot. Nos ennemis ne peuvent pas vraiment être détruits, car ils sont en nous. La séparation commence avec vous et moi, ici dans cette pièce, et finit avec la torture et le génocide.

A quel point il est facile de voir ce mécanisme chez les autres ! Pouvons nous le voir en nous-mêmes ? C’est toute la question. Qui sont vos boucs émissaires ? Que rejetez-vous chez les autres que vous rejetez secrètement en vous-mêmes ? La faiblesse ? L’échec ? La peur ? L’homosexualité ? La violence ? Quelles sont les pensées et les impressions que vous n’admettez pas en vous-mêmes afin de pouvoir maintenir face au monde une image de qui vous êtes ?

Maintenant, je veux dire ici que rien de tout ceci ne consiste à fermer les yeux sur des attitudes cruelles, violentes, destructrices. Je suggère simplement que nous regardions plus profondément et que nous découvrions l’endroit à partir duquel cette attitude tire son origine. Quelqu’un qui est profondément en paix avec son expérience, quelqu’un qui reconnaît l’acceptation profonde dans chaque pensée, chaque sensation, chaque impression, va-t-il s’en prendre violemment au monde ? Cette personne va-t-elle avoir vraiment besoin de chercher une libération d’une manière dramatique et extrême ? Quelqu’un qui voit que tous les aspects de son expérience – chaque pensée, chaque son, chaque sensation, chaque impression – sont déjà profondément acceptés par la vie, va-t-il avoir besoin de partir dans une poursuite désespérée de la complétude ? Cette personne va-t-elle avoir besoin de détruire le monde autour d’elle dans le but de trouver cette complétude ? Est-ce que le fait de faire du mal aux autres va permettre à ceux qui le font de trouver à quoi ils aspirent ?

Lorsque vous voyez qu’un autre être humain est, par essence, vous-même, est ce que cela vous donne une quelconque satisfaction de le blesser intentionnellement ? Lorsque vous ne défendez plus une fausser image de vous-même (une image dont vous savez qu’elle ne peut même pas commencer à capturer ce que vous êtes véritablement), lorsque vous ne voyez plus un autre être humain comme une menace à cette image, allez-vous ressentir le besoin de l’attaquer ? La violence est-elle vraiment nécessaire lorsque vous n’avez plus peur de la personne en face de vous ?

J’imagine que des attitudes violentes, destructrices, ou intentionnellement désagréables, sont toujours une expression de la quête au sein de l’expérience de quelqu’un. La violence et le conflit commencent dans ma propre expérience, et sont alors projetés à l’extérieur dans le monde. Pensez à toutes les fois dans le passé lorsque vous avez fait ou dit quelque chose de méchant, de cruel, de violent. Soyez honnête : d’où cette forte envie provenait-elle ? Cela venait-il d’un endroit d’où vous voyiez clairement que tout dans votre expérience présente était profondément acceptable ? Etiez-vous en train de reconnaître l’acception profonde à l’intérieur de votre expérience présente ? Ou bien cela venait-il d’un endroit blessé, l’impression de ne pas être quelqu’un de bien, un endroit à partir duquel vous avez senti le besoin d’avoir un accès de violence pour vous sentir à l’aise à nouveau et vous prouver quelque chose à vous-même ? Et cet accès de violence vous a-t-il conduit à vous sentir à l’aise à la fin ? Ou bien le soulagement n’a-t-il été que de courte durée ? La culpabilité est-elle apparue après – en d’autres termes, avec vous prétendu être quelque chose que nous n’étiez pas ?

Vu sous cet angle, nous pourrions dire que le monde devient simplement un tableau blanc sur lequel nous jouons nos activités de quête. Si je suis en guerre avec mon expérience, j’entrerai en guerre – de multiples manières, certaines subtiles, d’autres moins subtiles, avec le monde extérieur. »

 

Les mots ou expression en italique sont dans le texte original de l’auteur, pas les mots ou expressions en gras.

Image de Milou issue du site fr.tintin.com